Django Unchained de Quentin Tarantino
Le Dr King Schultz est un ancien dentiste devenu hasseur de primes. A bord de sa charrette de dentiste il sillonne les Etats-Unis à la poursuite de gangsters dont la tête est mise à prix. Il va acquérir Django, un esclave, convaincu que celui-ci peut l'aider dans sa traque des frères Brittle, des meurtriers recherchés morts ou vifs pour une forte prime. Il va passer un accord avec Django : il lui rendra sa liberté quand les frères Brittle seront capturés. Django a lui aussi un but : retrouver sa femme Broomhilda dont il a été séparé à cause du commerce des esclaves.
Tarantino est un fou de cinéma, c'est aussi un réalisateur de génie, inventif et novateur. Ses films sont bourrés de références aux cinéma de série B, un cinéma foisonnant, sans aucune prétention. Alors qu'à mon sens il s'était un peu égaré avec la série des Kill Bill, trop violente gratuitement, il se reprend pleinement avec "Django Unchained", même si ce retour en forme avait déjà un peu commencé avec le film précédent.
Là, on retrouve cet esprit de folle liberté qu'il y avait déjà dans le formidable "Jackie Brown". Tarantino s'amuse avec les codes, avec les genres. Mais contrairement à ces précédents, Tarantino a choisi de se coltiner avec l'histoire de son pays, et pas n'importe laquelle, puisqu'il s'agit de l'esclavage. C'est là que réside son tour de force, puisqu'il réussit à montrer l'effroyable violence qu'était l'esclavage, la négation de l'humain, des violences inimaginables, une servilité de chaque instant, sans jamais donner de leçon, sans jamais verser dans le sensationnalisme.
Surtout, là où son film devient précieux et important, c'est qu'il est un des rares à prendre en considération la complexité des attitudes face à l'esclavage. Ainsi, le personnage du Dr King Schulz, humain, tolérant (d'origine allemande, comme un pied de nez à l'histoire) est en opposition frontal avec celui Calvin Candie, esclavagiste cynique sans remords aucun. Ainsi Django, esclave rebelle et affranchi est lui-même opposé à Stephen, esclave depuis le véritable gérant des affaires de Candie, un esclave qui devient lui-même bourreau. Parce que l'esclavage était horrible, répugnant mais aussi complexe, Tarantino montre à merveille cette horreur, cette répugnance et cette complexité.
Il n'est cependant pas possible de parler de ce film, sans souligner les performances incroyables des quatre principaux acteurs. Christoph Waltz en premier lieu qui réédite la performance qu'il avait faite dans "Inglorious basterds". Non seulement, il est polyglotte, mais en plus, il est capable de jouer dans tous les registres. A ses côtés, Jamie Foxx est plus en retrait, mais c'est le rôle qui veut ça, peu à peu, il prend de l'envergure pour devenir plus que crédible en esclave justicier. En méchant, Leonardo DiCaprio est extraordinaire. D'habitude, avec lui, on se demande toujours à quel moment le bâteau va couler, là il est, il incarne Calvin Candie, il joue à merveille sur le registre de l'homme bipolaire, doux et compréhensif, puis dans des excés de folie furieuse la seconde qui suit. Epoustouflant. Je termine enfin avec le personnage de Stephen joué par Samuel L. Jackson, parce qu'il est le plus ambigü, le plus controversé. Pas facile de jouer un esclave, lui-même esclavagiste. Pas facile de rendre cela crédible. Pourtant, Samuel L. Jackson y excelle, il est veule à souhait, hypocrite méchant, l'alter égo en méchanceté nécessaire à Candie pour que ce dernier devienne lui-même plus complexe.
Enfin, et c'est une caractèristique de Tarantino, il nous refait le coup de "Jackie Brown" avec une bande-son de derrière les fagots. Il est allé nous trouvé des petits bijoux soul, funk ou country des années 60 et 70. Mais le coup de poker incroyable, c'est qu'il a mis du rap. Du rap dans un western ! Et ça fonctionne ! Normal, avec Tarantino, tout est possible.