Murat : "Le Manteau de pluie".
Il est des artistes, des chanteurs qui font un peu parti de nous, mais dont la discrètion fait qu'on pense peu à eux. A chaque nouveau disques ils se rappelent à nous et nous rassurent : ils n'ont pas changé, n'ont pas suivi les modes, sont toujours les mêmes.
Jean-Louis Murat est de ceux-là. Il est probablement un des songs-writers français les plus doués de sa génération. Des textes qui vous touchent toujours au plus profond, qui parlent de ce que l'âme humaine a de plus intime et qui font mouche à chaque fois, le tout accompagné par une musique aux accents toujours novateurs. Murat a un univers propre à lui, poètique, lyrique, bucolique parfois, mais toujours sensible.
Bien que discret et peu enclin à s'épancher dans les médias (ces rares interventions médiatiques valent le détour tant il ne fait rien pour cacher son dédain profond pour la chose), il est très prolifique. Une vingtaine d'albums, sans compter les collaborations diverses et variées. Cette production a pu nuire parfois à la lisibilité de sa carrière, à tort évidemment, puisqu'il n'y a quasiment rien jeter dans sa production.
Jean-Louis Murat est un auteur essentiel de notre production nationale, à mettre au niveau d'un Bashung ou d'un Gérard Manset, il est un peu le Léonard Cohen français. Pourtant, il a du mal à toucher le grand public et à dépasser un cercle d'aficionados. J'espère donc contribuer un tout petit peu à modifier cela.
Difficile donc de choisir dans la discographie du monsieur tant y est bon et précieux. Pourtant, malgré les années, il est un disque vers lequel je reviens sans cesse, un de ses premiers albums, avec lequel il a connu le succès : "Le Manteau de la pluie". La raison en est double. D'abord parce que c'est le disque avec lequel je l'ai découvert, j'avais alors à peine 20 ans. Ensuite parce qu'il contient un de ces plus chansons, "Col de la Croix-Morand", dédiée à un petit coin d'Auvergne où il vit et qui se trouve être une région qui m'est cher.
Des bruits de porte, un grillon au loin, un enfant qui chantonne, c'est dans cette ambiance très intime que débute l'album avec "Je n'ai plus que toi, animal". La chanson est comme une souffrance ou Murat reprent ces quelques mots : "Vois comme je vis mal, je n'ai plus que toi, animal". 2'56" de douleurs qui se terminent par le bruit de la pluie qui tombe. C'est triste, c'est douloureux et magnifiquement beau, surtout c'est incroyablement culotté de commencer un album ainsi, d'y exprimer sa souffrance et sa solitude.
Les grillons, l'ambiance lugubre, on la retrouve sur "Col de la Croix-Morand", le chef-d'oeuvre à mon goût de Murat. Le goût de la solitude porté à son paroxysme, il chante cette terre auvergnate qui est la sienne. Une terre à l'image des homme qui y vivent, dure, âpre, mais terriblement attachante. Par contraste aux paroles, la musique parfois d'une grande ampleur vient pour rappeler que parfois face à la nature, on est tout petit. Chanson aérienne, subtile, sublime.
"Cours dire aux hommes faibles" commence sur un tempo plus rapide, mais le texte est toujours aussi désenchanté. Chanson à double sens puisque les humains qu'il décrit ressemblent fort à son propre portrait. Image de lui peu reluisante, certes, mais qui donne une chanson lumineuse, avec une fin à l'orgue qui reste dans la tête longtemps.
Avec "Le lien défait", on retrouve une autre de ses plus belles chansons, une histoire d'amour cette fois-ci (ou de désamour). Chanson limpide où Murat renoue avec les guitares.
Au départ, la plage 5 était occupée par"Le Mendiant à Rio" reprise de Mickaël Franks en hommage à Carlos Jobim que devra retirer Jean-Louis suite à une action judiciaire. C'est donc "Sentiment nouveau" qui vient à cette place sur le CD en ma possession. Véritable éclaircie dans ce disque, elle correspond à une nouvelle rencontre dans la vie du chanteur.
Retour aux synthés sur "L'éphèmère", chanson intime comme sussurrée par Murat. Formidable sensation que cette chanson, elle donne le sentiment d'un petit souffle de vent sur la peau. C'est doux, c'est sensible, c'est plein de grâce et surtout de classe. 4 minutes de grand plaisir.
"L'infidèle" du titre a un double sens : le sens religion certes, mais aussi celui de l'homme aux multiples femmes. Murat joue à merveille sur l'ambiguîté des deux sens et donne une chanson poètique et énigmatique. Les deux chansons qui suivent sont dans la même veine énigmatique. Jolies, sensuelles, elles s'écoutent sans déplaisir mais ne sont pas mes préférées.
Un mot enfin sur la dernière plage "Le Manteau du pluie du singe", petite chanson pour finir l'album, elle sous forme de Haïku, un homme à la culture asiatique dont Murat est friand.